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Le dilemme du peintre en bâtiment où comment casser la chaîne de dévalorisation

Updated: Dec 23, 2022

Pourquoi est-ce qu’on protège le sol avec une bâche avant de peindre un plafond? Parce que le carrelage, c’est cher.

Pourquoi est-ce qu’on fait l’entretien régulier des bus de transport public? Parce que les bus, c’est cher, les pannes, c’est encore plus cher et les accidents, ça peut être irréparable.

Pourquoi est-ce qu’on recycle les déchets? Parce que les matières premières, c’est cher et parce que la pollution c’est considérablement plus cher.


Pourtant, partout dans le monde, et particulièrement en Tunisie, on voit souvent le contraire. Comme si nous vivions dans un pays opulent qui pourrait se permettre de gaspiller en grand ses ressources, son temps, son énergie, ses citoyens…

Qu’est-ce qui nous pousse à cette gabegie?


Regardons de plus près la chaîne de valeur.

On peint le plafond sans protéger les alentours, car il y a une femme de ménage, et elle, elle va se débrouiller pour nettoyer.

Le bus va peut-être tomber en panne, mais le chauffeur, lui, il va se débrouiller.

On ne trie pas les déchets, on les dépose en vrac dans un sachet minuscule et inapproprié, car l’éboueur, lui, il va bien se débrouiller.

Dans ces exemples, un problème est créé en toute connaissance de cause par une personne qui déporte la résolution du problème sur une autre, qui elle, est perçue comme de moindre valeur. Dans ce processus, celui qui aurait les moyens d’agir en anticipant fait porter la responsabilité de ses manques à une personne qui est moins bien payée, moins bien considérée et qui a beaucoup moins de moyens pour résoudre le problème.


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Ramassage des déchets à Tunis - partage des tâches

La chaîne de valeur devient une chaîne de dévalorisation: plus on avance, plus on perd de la valeur.

Pourquoi laissons-nous à une personne moins bien payée, avec moins de moyens d’action le soin de régler la note de notre négligence? De nos petites économies?

Est-ce parce que nous ne valorisons pas le travail de la personne qui passe après nous à sa juste valeur? Serait-ce une dévalorisation du travail de l’autre, et par conséquent une dévalorisation de l’autre?


Imaginons que le travail soit valorisé différemment, par exemple, la femme de ménage, le chauffeur de bus, l’éboueur gagnent 200DTN/jour. C’est certain qu’on ne va pas les laisser perdre un tel temps à régler sans les moyens adéquats des problèmes qui ne devraient même pas exister à la base, non? Le peintre qui passe avant la femme de ménage protégerait le sol avec un plastique, le responsable maintenance ferait l’entretien du bus, les citoyens trieraient leurs déchets et utiliseraient des sachets appropriés, faute de quoi ils s’exposeraient à de lourdes taxes ou amendes.

Il semble qu'au lieu de percevoir la personne suivante comme ayant une valeur à part entière dans la chaîne, et une nécessité de moyens spécifiques, on la perçoit comme moindre et qu’on néglige ses besoins de moyens. Ainsi, des ouvriers de chantier en tongs, avec des outils hors d’usage, des femmes agricultrices entassées dans des bétaillères aux freins douteux, des bus qui finissent dans le ravin etc…

Sans les moyens adéquats, une personne ne peut fournir la qualité et la quantité de travail nécessaire. La valeur crée est fortement diminuée, le produit ne pourra donc pas être vendu au prix escompté, ou bien nécessitera des réparations, et le cycle de dévalorisation recommence.

La chaîne de dévalorisation ne participe-t-elle pas à nos difficultés de développement, une de ces chaînes invisibles qui nous empêche de décoller, malgré nos atouts et nos compétences?


Qu'est-ce qui nous manque?

Hammurabi, reciprocity, management, social responsibility
Code d'Hammurabi, Mésopotamie, ca. 3800 av JC

Le code d’Hammurabi de la Babylone ancienne prévoyait que si une maison s’écroulait et tuait son propriétaire, le maçon qui avait construit la maison devait être condamné à mort. Un peu radical oui, mais il s'agit du principe de réciprocité qui nous rappelle que nos actions se répercutent le long de la chaîne et ont des conséquences à l’impact décuplé par rapport à la négligence première. Ces conséquences peuvent être des pertes de bénéfices, mais bien souvent, aussi, entraînent accidents, maladies et entretiennent la pauvreté.

La pandémie que nous vivons actuellement nous le rappelle violemment (une petite soirée entre amis peut causer la maladie de quelqu'un).


Il est vital de valoriser toutes les compétences, de comprendre qu’à chaque maillon de la chaîne, une personne a une valeur à fournir et qu’elle doit être en conditions de la fournir. L’output dépend vraiment de l’input. Elle a besoin pour cela de la formation, des outils, de l’environnement nécessaires qui lui sont apportés par ses donneurs d’ordre, clients, collègues … Ces conditions sont absolument indépendantes de son niveau scolaire ou social.


C’est la condition nécessaire pour espérer pouvoir développer des compétences, de la qualité, bref, de la valeur.


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